Les Émigrés

Publié le par Théâtre Volubilis

En ce soir de réveillon, on ripaille dans les règles de l'art à tous les étages, sauf au sous-sol, où ont trouvé refuge deux êtres déchus, deux émigrés dont nul ne sait d'où ils viennent. A priori, tout sépare ces deux déracinés qui n'ont pour tout bagage que le souvenir de cet ailleurs qu'ils ont dû quitter. C'est sur le terrain de leurs ressemblances que tous deux vont s'affronter cruellement dans ce huis clos à la fois oppressant et drôle, car tous deux sont les victimes absurdes de leur propre chimère qui les maintient dans l'incapacité à vivre le moment présent et les asservit bien plus efficacement que n'importe quelle forme de tyrannie ou d'exploitation…

Les Émigrés

Les Émigrés
de Slawomir Mrozek
• version originale : polonais
Traduction française de Gabriel Meretik

Pièce de théâtre d’auteur contemporain

Synopsis

Deux hommes que tout semble opposer s’affrontent cruellement un soir de réveillon. Un intellectuel terrassé par sa lucidité, un ouvrier lesté d’un bon sens grotesque, deux visions du monde irréconciliables. Autour d’une table, puis d’une bouteille, puis d’un problème, ces deux solitudes poursuivent une drôle de danse : souvent féroce, parfois absurde et oppressante, toujours rythmée par la mélancolie incisive de l’écriture de Slawomir Mrozek.

Les Émigrés est un texte particulièrement pertinent dans le contexte social tendu que nous connaissons, où les écarts économiques se creusent, favorisant le repli sur soi et le rejet des autres. L’actualité récente illustre jusqu'à l’absurde ces comportements extrêmes, cet enchaînement dramatique.Ces émigrés auront beau faire et défaire leurs bagages, ils y recueilleront toujours la lancinante déchirure de l’exil.

 

Notes de mise en scène


 

Note du metteur en scène

Nous n’avons jamais cessé de considérer la langue des vrais poètes comme la forme la plus vivace et la plus exaltante de communication entre les hommes.

 

Les Émigrés, de Slawomir Mrozek, pose un  regard puissant et tendre sur l’immigration. Tel sera le débat, le long débat, tour à tour comique, tragique, sarcastique, atroce, de cette longue nuit de réveillon, autour d’une table, puis d’une bouteille, puis d’un problème. Jusqu’à ce qu’enfin la vérité éclate, dans l’excitation  de l’alcool : rien l’un sans l’autre et rien l’un avec l’autre, tant qu’aucun ne changera.

Ces deux égarés font un homme et l’on sent que jamais l’intellectuel n’ira jusqu’au travail, jusqu’à la réalité, et que jamais l’ouvrier-paysan n’accédera au monde de l’esprit.

Sans doute resteront-ils ainsi face à face, des nuits dans cette nuit sans fin où le temps demeure immobile jusqu’à ce que l’un s’abîme dans le sommeil, que l’autre s’écroule dans les sanglots.        

 

Un théâtre de l’absurde, un théâtre de l’angoisse communicative chère à Ionesco, Mrozek expose ses thèmes favoris et en joue en virtuose.  Ce type de théâtre demande qu’on joue la situation sans spécifier les motivations mais en laissant au spectateur la possibilité d’imaginer le contenu caché. Cependant, s’il arrive à Pinter de traiter des thèmes voisins de ceux du dramaturge polonais (L’Anniversaire), sa technique serait plutôt d’introduire dans une trame relevant en apparence d’un réalisme traditionnel des éléments grinçants et insolites. Les fantasmes peuvent intervenir chez Mrozek de manière plus concrète et bousculer d’entrée de jeu la vraisemblance des données. D’autre part, cet écrivain se réfère à des situations politiques, des rapports sociaux, dont il fait ressortir l’aspect inquiétant ou grotesque.

 

La réussite d’une mise en scène suppose, pour ce type de dramaturgie, l’aptitude à utiliser divers registres de significations suscitées par le texte et la capacité de rendre compte de ce qui ne présente ni sens ni continuité. Ceci, afin d’unifier ce qui, débutant en comédie de mœurs décontractée, vire abruptement au tragique, pour finir en dérision.

 

Les Émigrés garde un ton très personnel. Une inquiétude nettement affichée quant aux rapports des hommes entre eux dans un univers où l’histoire broie le citoyen comme la meule le blé. Le pessimisme dynamique de Mrozek porte, sans en avoir l’air, à la mélancolie noire, tout en ricanement, et avec un beau déploiement d’incertitudes pour ce qui est notre avenir.
Il est de notre responsabilité de choisir des pièces qui, par leur langage ou leur situation, défient les tabous de nos sociétés et témoignent de l’empathie pour ceux qui souffrent des contraintes d’une morale répressive.

Karim Arrim

 

 

Distribution
XX Thierry Coma
AA   Michaël Appourchaux 
   
Scénographie et mise en scène Karim Arrim
Création lumière  Frédéric Dubreuil
Musique originale Nilco
Création graphique Florence Bonnet 
Chargée de communication Laetitia Pasquier
Photos   Pascal Guiblain  

 

 

 

 

Théâtre Volubilis

theatrevolubilis@gmail.com

 

Licence n°  21023631

L’Arche est agent théâtral du texte représenté.

Création Théâtre Volubilis

le 26 janvier 2008 à Cabestany

Avec le soutien de la Région Languedoc-Roussillon, des villes d’Elne et de Cabestany, du Foyer de la Raho et du Conseil Général des P.-O.

« Je riais de plusieurs façons, à voix haute et en silence, d’un rire biologique et intellectuel, mais mon rire n’arrivait pas jusqu’au fond. J’appartiens à une génération dont le rire est toujours assaisonné avec ironie, amertume ou désespoir. Un rire normal, un rire pour rire, gai et sans problèmes, un jeu de mots amusant – ça nous paraît un peu passé et provoque la jalousie. »
Slawomir Mrozek

Slawomir Mrozek est devenu, à côté de Beckett et de Ionesco, un des auteurs dramatiques clés du monde contemporain, par son goût du grotesque et son acharnement à tourner en dérision la société.

Journaliste, auteur de nouvelles courtes, auteur dramatique, Mrozek n’est pas un expansif. Dans la vie même il est économe de geste et de parole. Sa pensée est incisive, il aime la clarté. Ses raisonnements mathématiques s’opposent au pathos romantique qui a longtemps sévi chez les littérateurs polonais. Les lectures dont il se réclame sont les écrivains français du XVIIIe siècle, les contes philosophiques de Voltaire, les rationalistes. Avec sa raison, il s’applique à comprendre le monde d’aujourd’hui, à démonter les pièges, à dominer des situations contraignantes par la subtilité de l’intelligence.

Découvrez ici la critique d'Anne Losq à l'issue des représentations en Avignon.

Les Émigrés

Publié dans Théâtre

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